MIKE BIRCH AU PANTHEON DE LA COURSE OCEANIQUE

L’un des personnages qui a construit la légende de la course océanique vient de nous quitter : Mike Birch. Ils ne sont pas si nombreux à pouvoir revendiquer d’être dans ce Hall of Fame.

Et pourtant, à l’instar de Moitessier, Tabarly et aujourd’hui Joyon, il n’a jamais cédé un pouce de sa liberté à la pression populaire ou médiatique. S’il ne cherchait pas à avoir une image de star, loin s’en faut, l’homme était posé, simple, abordable et amical.

Il avait débarqué sur la Route du Rhum 1978, organisée par L’UNCL, sur la pointe des pieds avec son petit trimaran jaune. On sait comment il est rentré dans l’histoire. Avec lui, l’ère du multicoque de course était née et les Ultim d’aujourd’hui s’inscrivent dans sa lignée.

Nous nous sommes vus plusieurs fois lors de départs de course mais un souvenir personnel me revient. En 1985, Michel Etevenon organisa MONACO-NEW YORK, non sans difficultés.

Grâce de Monaco était décédée depuis 3 ans c’est peut-être que Michel parvint à convaincre le prince Rainier accepta qu’il organise cette course en son souvenir pour faire un lien symbolique entre son pays et celui de Grâce, les Etats-Unis. La course Open battait son plein et les meilleurs coureurs s’y inscrivirent dont Bernard d’Allessandri, actuel directeur du Yacht Club de Monaco et Mike Birch sur son trimaran géant, Formule Tag.

Le New York Yacht Club qui venait de perdre l’America’s Cup et voyait d’un très mauvais œil les Frenchies arriver avec des multicoques spectaculaires qui risquaient de prendre la lumière.

La course n’était donc pas la bienvenue et nous nous sommes retrouvés dans une situation étrange car on ne trouvait pas d’endroit dans New York pour accueillir l’arrivée de la course. Finalement le PC fut installé sur le Pier 86 défoncé, sur l’Hudson, au bout de la 46e, au pied du porte-avions Intrepid qui n’était pas encore un musée.

Ce fut la première course où on avait un tracker pour suivre les bateaux et nous nous sommes préparés à accueillir Mike Birch en vainqueur. Michel Etevenon m’envoya à la Fire Station de Battery Park, à la pointe sud de Manhattan, pour leur demander de faire sortir les bateaux-pompes pour l’arrivée de Mike. Avec l’audace de la jeunesse mais sans espoir de réussite, je suis allé voir le chief O’Neil qui, à ma grande surprise, accepta. Manière sûrement pour un Démocrate de faire la nique aux Républicains du NYYC !

Mike arriva donc au milieu de 4 quatre bateaux- pompes, ce qui fut aussi spectaculaire qu’émouvant et inoubliable. Une fois encore la célébrité que Mike ne recherchait pas s’imposait à lui.

Puis avec son épouse France, aussi extravertie que Mike était réservé, nous sommes partis en groupe écouter du Gospel dans une église d’Harlem. Mike avait l’air de survoler toute cette agitation et notre activité touristique avec philosophie, se laissant porter par les évènements.

Le paradoxe est que ni son physique ni son expression ne pouvaient laisser penser qu’il avait du charisme. Et pourtant, si ce n’était pas le cas, je ne m’en souviendrais pas près de 40 ans plus tard.

So long Mike.

Philippe SERENON

Photo : Jean-Pierre PREVEL / AFP