Le hull factor (Facteur de Coque) qui apparait sur nos certificats IRC, suscite parfois la circonspection des propriétaires et concepteurs. Cela est lié à sa nature même. S’il est assez aisé de corréler les données géométriques d’un voilier et le rating obtenu, (il s’agit des dimensions de la coque, de son poids, de la surface et des dimensions des voiles, etc ..), c’est moins évident lorsqu’il s’agit de déterminer dans quelle mesure un bateau est un pur voilier de régate ou au contraire un course croisière au programme plus généraliste.
Le hull factor s’intéresse aux données peu quantifiées, non mesurées (ou partiellement). Une donnée non quantifiée, c’est par exemple la présence d’une cuisinière avec un four. On peut dire que l’équipement est présent sans pour autant connaitre précisément son poids, ni la position de son centre de gravité à bord.
Le but est d’évaluer l’efficacité du bateau en le positionnant sur une échelle qui va du pur croiseur au pur bateau de course. Lors d’un article précédent paru en 2008, Jean Sans parlait de thermomètre.
Plus le facteur est élevé et plus le bateau se rapproche d’un pur bateau de course.
Comment différencier un bateau de course d’un croiseur de façon objective ?
Prenons les éléments de calcul : le ratio déplacement/longueur à la flottaison (DLR) distingue clairement les déplacements lourds des bateaux à vocation plus sportive. C’est une donnée quantifiée : DLR = 27.87 x DISP / LWP3, avec DISP le déplacement du bateau avec ses équipiers, et LWP la longueur à flottaison.
Hormis cette donnée mesurée, il apparait des caractéristiques que nous pouvons prendre en compte.
La coque : sa forme (bouchains, IOR, ..) et son matériau (acier, aluminium, bois, fibre de verre, sandwich, kevlar, carbone …)
L’aménagement intérieur : un certain nombre d’équipements figurent dans un bateau de course croisière (table à carte, coin cuisine, carré, table, couchettes, portes, équipets, penderies …). On peut identifier un bateau à tendance course au fait que bon nombre de ces équipements ne figurent pas ou sous une forme très basique. Des extrémités vides sont à prendre en compte ainsi que les matériaux des aménagements.
La quille : les quilles sont définies et leurs formes répertoriées (voir Annexe B de la Règle IRC). Cela permet de distinguer entre une priorité croisière (quille adaptée aux faibles tirant d’eau par exemple) ou course (quille profonde, présence de bulbe), mais aussi d’identifier les bateaux de conception ancienne. Le tirant d’eau, le type de quille (relevable ou bi-quille par exemple), doivent aussi être pris en compte.Le matériau de quille est aussi une donnée importante (fonte, plomb, mixte, quille creuse …). La seule donnée quantifiée est le poids du bulbe quand il y en a un.
Le(s) safran(s) : un safran profond et étroit est un safran « de régate ». L’implantation joue aussi un rôle (suspendu, sur tableau arrière, accroché à un skeg, sur la quille pour les anciens bateaux), et le fait qu’ils soient éventuellement doubles.
A cette liste, il faut ajouter la présence d’équipements plutôt spécifiques de bateaux de course, comme la présence de dérive(s), d’un plan canard devant la quille, d’un trimmer de quille …
Et en pratique ?
Le hull factor n’est pas une nouveauté. Il est apparu dès la règle CHS. Il n’a cessé depuis d’être complété et réévalué au vu des évolutions architecturales de nos voiliers. Il faut déterminer son impact sur le TCC final, mais aussi (et surtout !) définir le poids relatif de tel ou tel facteur parmi ceux évoqués plus haut. Est-ce qu’une quille « régate » est plus importante qu’un déplacement léger ou non ? Est-ce que la présence d’aménagements confortables transforme un bateau construit en carbone en bateau de croisière ?
Processus de calcul
Afin que chaque bateau soit évalué rigoureusement de la même façon, des coefficients correspondant aux items listés ci avant ont été mis en place. On parle ici de coefficients associés : au DLR, à la forme et au matériau de coque, à la quille, au(x) safran(s), aux aménagements et aux matériaux qui les constituent et aux appendices annexes. C’est la prise en compte de l’ensemble de ces coefficients via une formule de calcul qui constitue le hull factor.
Ces divers coefficients sont eux-mêmes calculés à partir de « grilles d’évaluation ». Le type de quille en est un exemple : à chaque géométrie de quille correspond une valeur qui intervient dans le calcul du facteur de quille. Un facteur qui d’autre part tient aussi compte du matériau de quille, et du type de quille (relevable, fixe, …), du tirant d’eau. Le coefficient final s’obtient via une formule de calcul.
Le procédé est identique pour les aménagements au travers d’une liste d’aménagements possibles (ceux observés sur des bateaux de croisière bien équipés). On détermine ceux qui sont présents, ou non (et s’ils le sont sous une forme minimaliste ou pas), chaque équipement intervenant via une formule de calcul dans le résultat du coefficient d’aménagement.
Comme on peut le voir, le processus est rigoureux, calibré. Pour chaque nouveau type de bateau (série, ou prototype), les centres de calcul anglais et français échangent leurs données et conviennent d’un hull factor identique. Hors modifications apportées (et déclarées !) par le propriétaire, ce sera le hull factor correspondant à ce type de bateau. La seule évolution possible concerne alors le coefficient lié au DLR (le poids et les élancements interviennent).
Quel impact ?
Bien entendu, le « course croisière » avec un hull factor de pur « racer » verra son rating sensiblement augmenter. Mais pour ce faire, il faut le transformer … « en racer ». En pratique, les variations sont faibles, en lien avec des évolutions « raisonnables » : des aménagements simplifiés (couchettes avant, portes, tables), un safran plus performant, plus les variations quant à la valeur du DLR. Au final, un impact sur le TCC de 5/1000 est déjà l’exception.
Un coefficient équilibré
Force est de constater que les propriétaires ne vident pas leur bateau pour courir ou, au contraire, ne les suréquipent pas. Les modifications restent faibles et bien souvent motivées par une commodité d’emploi en course.
D’autre part, au dernier championnat d’Europe IRC à Breskens, on a pu voir gagner un First 47.7 (Moana, plus de 20 ans d’âge), bateau typiquement de course croisière, suivi de près dans sa classe par un Ker 46, bateau d’une autre génération, qui lui est un pur bateau de course.
Article rédigé par Claude Charbonnier
Crédit photo © Paul Wyeth/pwpictures.com